L’enrôlement jadis

古从军行
李颀

白日登山望烽火,
黄昏饮马傍交河。
行人刁斗风沙暗,
公主琵琶幽怨多。
野云万里无城郭,
雨雪纷纷连大漠。
胡雁哀鸣夜夜飞,
胡儿眼泪双双落。
闻道玉门犹被遮,
应将性命逐轻车。
年年战骨埋荒外,
空见蒲桃入汉家。

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L’enrôlement jadis
Li Qi (690–751)

Plein soleil. Grimpant la montagne
__ on guette les signaux de feux.
Nuit tombée. Les chevaux s’abreuvent
__ à la rivière Croisement.

Un garde cogne la gamelle.
__ Du vent. Du sable. Les ténèbres.
La princesse en jouant du luth
__ exprimait beaucoup de tristesse.

Steppe de nuages à perte
__ de vue, sans rencontrer de ville ;
la pluie, la neige à tour de rôle
__ tombent sur le vaste désert.

Les oies sauvages crient leur peine
__ pendant leur vol, nuit après nuit ;
les Barbares ont dans les yeux
__ des larmes qui tombent par paires.

On a entendu quelqu’un dire
__ la Porte-de-Jade obstruée,
il nous faut donc risquer nos vies
__ en prenant les chariots légers.

An après an, les os de guerre
__ sont enterrés dans la nature —
pour voir des grappes de raisin
__ s’introduire dans nos foyers.

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Commentaire

Il y a beaucoup de choses à dire sur ce poème qui, comme celui de Li Bai, critique la guerre menée par l’Empire sur ses frontières ouest. Ma traduction du titre est volontairement un peu abrupte, dans la mesure où dans l’original le « jadis » renvoie non seulement à un thème des chansons populaires anciennes, mais sert aussi à faire passer la charge critique (comme si l’on ne parlait pas de l’enrôlement aujourd’hui). Dans le premier vers, le premier verbe (traduit par « grimper ») n’ayant pas de sujet explicite, certains traducteurs choisissent de voir « le soleil grimper » et d’autres, les soldats. Le poème joue probablement sur l’ambiguïté, que j’ai essayé de redonner avec mon participe présent. Le parallélisme étonnant du 3ème (« Un garde… ») et 4ème vers (« La princesse… ») mérite un peu d’explication : un soldat était chargé, la nuit, de faire du bruit sur les ustensiles de vaisselle pour remplacer les chiens de garde. D’autre part, allusion est faite à une princesse chinoise qui, enlevée par un prince « barbare », pleurait son exil avec son luth, sur le chemin de l’exil. On retrouve d’ailleurs ce goût du parallélisme dans la strophe suivante, avec l’usage du même mot, « hu » pour qualifier les oies (« sauvages ») et les ennemis (« barbares »). Il s’agit des soldats du Turkestan oriental, qui correspond aujourd’hui au Xinjiang, c’est-à-dire le pays ouighour, conquis à l’époque des Tang (et toujours administré par la Chine, avec la violence que l’on connaît). Un des résultats de cette conquête fut l’introduction de la vigne en Chine (d’où le dernier vers).

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