Phrase, texte, genre # 1

On peut a minima distinguer deux genres de productions écrites : hétéronomes et autonomes. Les premières, lettres de conversations courantes, articles de journaux, billets d’humeur, sont composées d’éléments qui ne tirent leur valeur ou leur signification que d’un contexte et d’un usage extérieur de la langue : c’est l’état du monde et de l’idiomatique, des corps et des communautés, au moment où ça parle, qui en fixent le sens. Les secondes donnent aux phrases elles-mêmes la charge de fixer la valeur des éléments qui les composent. Seules les productions écrites autonomes sont des textes.

A nouveau on peut distinguer, deux types de textes entendus en ce sens : les textes philosophiques, empruntant le trajet inverse des productions écrites hétéronomes, redistribuent les valeurs des éléments de la réalité ; quant aux textes littéraires, si fixer eux-mêmes les valeurs de leurs composantes est leur jeu, fixer celles des éléments de la réalité n’est pas leur enjeu. Les textes littéraires – que l’on appelle parfois fictions – sont des tissus discursifs autonomes dont les valeurs ne sont pourtant pas indifférentes, à la réalité ou aux représentations qu’on peut s’en faire : ils portent des événements.

Compte tenu de ces définitions, l’existence de la théorie littéraire pose question. Voilà un ensemble de textes qui prétendent normer (philosophiques) des textes qui prétendent porter leur norme eux-mêmes (littéraires).