À la machine, entretien avec G. Condello

Après la lecture des Travaux et les jours, j’ai souhaité en savoir un peu plus. J’ai proposé à son auteur, Guillaume Condello, de répondre à quelques questions.

Question : Pourquoi avoir emprunté à Hésiode le titre d’un des plus vieux poèmes de la tradition grecque ? Est-ce que c’est une manière de redonner à la poésie l’ambition énorme qu’elle avait, et qu’elle a peut-être perdue, ou au contraire de faire preuve d’une sorte d’humilité, en reprenant le travail du « poète paysan » ?

Guillaume Condello : Un peu des deux, ou ni l’un ni l’autre. Je suis sensible à l’idée que la poésie pourrait parler au commun, chanter le commun, voire le consolider, que ce soit la version antique (Homère ou le projet de Virgile, même si ses rapports au pouvoir sont de ce point de vue plus discutables), ou dans une version plus moderne (Pound, Carlos Williams ou Olson par exemple). Donc il y a une forme d’ambition tout à fait démesurée dans ce texte, surtout quand on sait le lectorat qu’ont les poètes aujourd’hui. Mais il y a une sorte d’imbécilité que je constate dans mon travail, que j’ai appris à aimer, voire à exiger de moi : si je ne suis pas le « poète paysan » – et d’ailleurs comment serait-ce encore possible, dans la mesure où les champs eux-mêmes sont devenus des usines à végétaux ? – je crois que je suis une sorte d’animal qui provient de ces champs transformés en usines. Je n’ai pas de « racines » : et c’est ça sans doute qui fait que j’ai été sensible à Hésiode. C’est toute la distance qui me – nous – sépare de lui qui justifie et exige ce titre. Il est impossible de ne pas avoir une certaine forme de tentation pastorale, et en même temps on sait bien qu’elle n’a plus de sens aujourd’hui. Les formes traditionnelles de communauté, la « substance éthique » est dissoute, mais il est naïf – et dangereux – d’être nostalgique de ses formes traditionnelles. Hésiode chantait une poésie magique et pastorale, et cela allait de soi, car il vivait dans un monde anté-capitaliste. Je crois qu’il nous faut chanter une poésie un peu dissonante, dans la mesure où nous sommes dans les ruines de ce monde : on pourrait y voir (mais peut-être pas les créer) de nouvelles formes de vie apparaitre. Continuer à lire … « À la machine, entretien avec G. Condello »