Une petite série de clins d’oeil à des artistes proches de l’univers de l’Empereur Hon-Seki :
# 2, Jérôme Boulbès, Le printemps.
J’ai rencontré Jérôme Boulbès en 2010, à Kyoto, où il vit. Lauréat 2007 à la Villa Kujoyama, il réalise depuis 1999 des courts-métrages d’animation bourrés de poésie. Dans la lignée de Masques (2009), Le printemps est la mise en images chorégraphiée d’un rite étrange, musical et cosmique, à mi-chemin s’il est possible entre une très minutieuse reconstitution ethnographique et une puissante dérive de l’imaginaire, genre trip sous LSD. Techniquement superbe, dans la musique comme dans les images et le soin de mille détails, porté par une intrigue autant poétique que narrative autour du changement de saison, on a l’impression d’assister au rite païen d’une culture lointaine, mais mise en scène par l’un des nôtres.
Ce qui produit ce sentiment paradoxal : tout est étrange, et tout est familier. Comme si l’on rêvait. (Un peu le même effet que peuvent faire certains rites de la société japonaise à un Européen, du reste.) Et au coeur de ce rêve, une idée de la nature, et des forces qui la traversent, qui revient à un point d’interrogation sur la tête de l’homme : il n’y a aucun personnage humain, et en même temps tous ses personnages sont humanisés – et même, les produits de l’art humain. La scène cruciale du film, celle autour de laquelle s’organise tout le rite, déplace les enjeux de cette problématique, pour faire de l’humanité cela : le masque temporaire des énergies sauvages de la nature. Magnifique et shinto.