Autoportrait dans un miroir convexe

Toujours en amateur et n’importe comment, une tentative de traduction du début d’ »Autoportrait dans un miroir convexe » de John Ashbery. Texte original.

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Comme le fit Parmigianino, la main droite
Plus grosse que la tête, mise sous le nez du spectateur
Tout en glissant au loin, comme pour protéger en même temps
Ce dont il fait la promotion. Quelques vitres à petits carreaux, de vieilles poutres,
De la fourrure, les plis de la mousseline, une bague de corail emportés ensemble
Dans un mouvement soutenant le visage, qui va
Et vient, flottant comme la main
Sauf qu’il est au repos. Il est ce qui est
Séquestré. Vasari dit que « Un jour, Fransesco s’est disposé
À faire son propre portrait, se regardant à cet effet
Dans un miroir convexe, comme ceux qu’utilisent les barbiers…
Pour ce faire il fit faire une balle de bois
Par un tourneur, et l’ayant coupée en deux
Et ramenée à la taille du miroir, il se disposa
Avec beaucoup d’art à copier tout ce qu’il voyait dans la glace »,
Principalement son reflet, dont le portrait,
Une fois disparu, devint le reflet.
La glace choisit de ne refléter que ce qu’il vit
Comme suffisant à son projet : son image
Vernie, embaumée, projetée en un angle de 180 degrés.
L’heure du jour ou la densité de lumière
Adhérant au visage le garde
Animé et intact dans une vague toujours renouvelée
D’arrivage. L’âme d’elle-même s’établit.
Mais jusqu’où peut-elle flotter hors des yeux
De manière à toujours revenir, sans risque, en son nid ? La surface
Du miroir étant convexe, la distance augmente
Significativement ; à savoir, assez pour défendre l’idée
Que l’âme est en captivité, traitée comme un humain, maintenue
En suspension, incapable d’avancer plus loin
Que ton regard lorsqu’il intercepte l’image.
Le pape Clément et sa cour en furent
« Stupéfaits », d’après Vasari, et promirent une commission
Qu’il ne matérialisa jamais. L’âme doit rester où elle est,
Même inquiète, entendant la pluie goutter sur les carreaux,
Les soupirs des feuilles d’automne saccagées par le vent,
Désirant être libre, dehors, mais elle doit rester
Tenant la pose à cet endroit. Elle doit bouger
Aussi peu que possible. C’est ce que dit le portrait.
Mais il y a dans ce regard une combinaison
De tendresse, d’amusement et de regret, si puissant
Dans sa retenue que l’on ne peut le regarder très longtemps.
Le secret est trop franc. Sa rudesse nous heurte,
Fait jaillir de chaudes larmes : que l’âme n’est pas une âme,
N’a pas de secret, est petite, et est parfaitement
Adaptée à son trou : sa chambre, notre moment d’attention.
C’est la mélodie mais il n’y a pas de mots.
Les mots ne sont que de la spéculation
(Du latin speculum : miroir) :
Ils cherchent mais ne trouvent pas le sens de la musique.


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